Un Fiasco? Quel Fiasco! (1ère partie)

Fiasco vient de l’italien pour « bouteille » (pensez « flasque »), via le français où apparemment au 19e siècle « faire une bouteille » était une expression à la mode pour dire que tout avait solidement foiré et que le bordel était pogné. Vous voilà plus instruit sur l’étymologie du mot, mais pas encore dans la façon de se fabriquer un beau petit fiasco maison, chose que j’ai fait avec deux comparses hier soir à la maison.

Remédions tout de suite à ce manque d’instruction.

Fiasco est un jeu de rôles tout droit sorti de l’école des jeux « Indie », et est de la variété « Sans Maître de Jeu ». Le principe est assez simple: établit un « contexte » de relations entre personnages et éléments pouvant mal tourner, et on joue en alternance des scènes (qu’on détermine finir bien ou mal en donnant au joueur des dés de couleur différente) où tout est orchestré pour foirer magistralement. puis on conclut avec un épilogue doux-amer (souvent très amer) pour chaque personnage. Le genre émule le style des films « de fiasco » (dont la plupart des frères Coen), et c’est très narratif comme prémisse. Fiasco a gagné un Diana Jones Award en 2011, il a fait un peu le tour du « who’s who » des jeux de rôles pour récolter les honneurs et les appréciations.

Ce jeu est fait pour répondre à la question « On a des traffiquants de drogue, une commissaire scolaire, 200 000$ en diamants cachés dans une botte en cuir, un restaurant de fast-food désaffecté, et une déchiqueteuse à bois; mais que pourrait-il bien donc se passer? »

Le « Setup »

Un « playset » est constitué de tables aléatoires de relations, objets, désirs et lieux avec lesquels on tisse une toile entre les joueurs voisins, à partir d’un ensemble de dés communs. Il est important que ces éléments aient une « charge émotive » pour pouvoir être bien utilisés pendant la partie: ce n’est pas qu’un « Vieux couteau suisse », c’est le vieux couteau suisse légué par papa, alors que ton frère recevait l’héritage de 250 000$ à lui seul. Ça prend une quinzaine de minutes, et au bout de quelques minute on voit sortir le « fil » des relations ressortir assez facilement.

Vous pouvez voir la liste des playsets, les 4 dans le livre de base (Un « Desperate Housewife », une petite ville du sud des USA, le Far-West et une base dans l’arctique) sont solides et prometteurs. Il y en a beaucoup d’autres qui ont été publiés.

Acte Premier

Pour le premier acte, on joue les scènes (2 par joueur) à tour de rôle, et chacun travaille à avancer ses objectifs, combler ses désirs, etc.

Jouer une scène offre au joueur dont c’est le tour un choix intéressant: soit A) il « établit » la scène: qui sera présent, où ça se passe, les grandes lignes de ce qui va s’y passer OU B) il choisit si la scène finit bien ou mal pour lui. On établit OU on choisit, pas les deux, et c’est très drôle dans les deux cas. Si on a besoin de figurants les autres joueurs se prêtent au jeu au besoin.

On reçoit ou on choisit (c’est selon) à la fin de la scène un dé d’une couleur différente si ça finit « bien » ou « mal », qu’on REDONNE (!) à un autre joueur pour le premier acte, souvent celui qui nous a le plus emmerdé pendant la scène. 😀

Le « Tilt »

Le Tilt est une table qui contient des retournements de situations pour bien accélérer le fiasco au début du 2e acte, quelque chose comme « La mort se pointe sans invitation » ou « Tout allait si bien jusqu’à la visite du gouvernement ». Ça donne le ton pour des rebondissements, mais c’est aussi le temps de se délier les jambes, rafraîchir sa bière et aller en vider une.

Deuxième Acte

On refait une « ronde » de 2 scènes par joueur, mais les choses s’accélèrent et le fouilli est maintenant définitivement mis en place. Il est de bon ton d’attendre le 2e acte avant de tuer un autre personnage, bien que ce ne soit aucunement problématique pour les scènes puisqu’on peut aussi jouer des scènes en « Flashback » ou des scènes à propos de lui (son enterrement vient en tête).

On reçoit/choisit encore un dé pour la résolution de chaque scène, mais cette fois on le GARDE , c’est dans la mécanique de jeu (pour la finale).

Finale

La finale (« Aftermath ») est un épilogue inventé. Mais peut-être (peut-être!), si les choses ont été très bien (ou très mal!) pour le personnage, que ça va finir moins médiocre. La mort est assez courante pendant l’épilogue, mais il y a aussi souvent pire. Il faut voir « A Simple Plan » pour comprendre que certains dénouements sont bien pire que la mort…

Conclusions

C’est un excellent jeu, rien de moins. On voit que l’auteur a navigué avec adresse la mince ligne entre le « fucké de théâtre » et le côté ludique où on peut « gagner et perdre » pendant une partie. Ultimement le jeu obéit au principe que « tout le monde gagne si l’histoire en valait la peine », mais de savoir que ton personnage peut mieux s’en tirer (ou pire!) dépendant de tes interactions pendant la partie est définitivement intéressant. Faut quand même être vachement « narratif » (Power Gamers s’abstenir).

Durée moyenne de l’expérience: Entre 2 et 3 heures. Dans notre cas ça a pris 2h30, avec un intérêt soutenu des participants pendant toute la durée. Tout le monde participe aux scènes, ce qui évite les « temps morts ». Si vous avez des joueurs qui ont tendance à « voler le show », la structure même du jeu force le spotlight sur un personnage différent à chaque scène.

Je compte définitivement refaire l’expérience, avec d’autres playsets et d’autres joueurs, ayant été bien enchanté. Vous pouvez voir un exemple super intéressant de jeu sur le site de Wil Wheaton (long, mais très bon).

La Cote Alex (sur 25): 1d12, +8 pour les amoureux des films des frères Coen, +5 pour tous les « method actors » manqués qui se sont rabattus sur le jeu de rôle parce que la figuration dans les téléromans c’est pas super glorieux.

Prochainement sur cette antenne: le compte-rendu de notre petit fiasco maison, « The Snäkebïte One Night World Tour Comeback Show ».

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