Si les oiseaux se cachent pour mourir, les geeks, eux, se cachent pour jouer. Quoi qu’on en dise, même en 2015 ça reste quand même un sacré stigmate que d’être Geek, et c’est bien dommage. Les choses ont bien sûr quand même changé, depuis 10-15 ans surtout: il y a maintenant des émissions de télévision et même des canaux entiers sur les jeux vidéo (mais les M.Net ferment malgré tout leurs portes), la moyenne d’âge des joueurs est remontée au point où les « gamers » moyens ont des enfants et une hypothèque (oui, on a des vies amoureuses aussi), on a des festivals comme Montréal Joue, et les films comme X-Men et Guardians of the Galaxy ont obtenu un succès assez populaire pour que les gens différencient Wolverine et Groot (hint: celui avec les branches c’est Groot.)
Mais dès qu’on tombe dans le « sérieux », au travail, suffit de mentionner que tu a des hobbys comme les jeux de société (« tu joues encore à ton âge? » 😉 ), les jeux vidéos (plus que juste Candy Crush, là), la peinture de figurine, les jeux de rôles ou le fait que tu te costumes pour une convention, et c’est inévitable, tu essuies bien souvent un gros jugement bien sale en pleine face (« Maudit nerd! »). Quelque part, peindre des figurines rime toujours avec « immaturité » (alors que peindre des tableaux passe pour « classe et recherché »?). Jouer au Poker c’est cool, mais jouer à Skulls&Roses ou The Resistance (deux excellent jeux de bluff) ça passe « drôle ». Pas trop sûr non plus pourquoi un pool de hockey c’est OK, mais pas tenir une ligue de Blood Bowl ou X-Wing. Et je ne vous parle même pas d’admettre que tu joues à des jeux de rôles (i.e. Donjons et Dragons), là on est carrément dans le suicide professionnel.
Remarquez, je suis plutôt choyé dans mon milieu de travail (j’y ai même corrompu quelques collègues) et il y a toujours les milieux créatifs, mais vous seriez quand même surpris du conservatisme qu’on y retrouve aussi parfois. Combien de geeks « prennent leur trou » pour éviter d’essuyer les railleries des collègues? Alors on garde un profil bas; lorsque je joue à des jeux de société sur mon heure de lunch, j’essaie dans la mesure du possible de choisir une salle de conférence « hors de vue des passants », au cas où un vice-président passerait par là et me voyait en train de (horreur!) avoir du plaisir sur les lieux de travail.
« Quand vous aurez fini de jouer aux cartes là-dedans, on a du travail à faire, nous. «
– Entendu dans un emploi précédent lors d’une session de Planning Poker .
Les entreprises sont schizophrènes sur le sujet: malgré ce que proclame le milieu du travail, ils ne sont pas particulièrement intéressés à engager et garder les gens créatifs, ludiques, joueurs, geeks ou peu importe les autres sobriquets ou leur donner des rôles de direction. Les vraies valeurs au travail sont de facto moins progressistes que les compagnies ne le laissent entendre. C’est un peu attendu.
Il existe un trésor, une richesse qui dort…
Pourtant, tout ce qui tourne autour des univers geek, de la science-fiction, de ses jeux, de la littérature qui lui est propre et de sa culture a été montré maintes et maintes fois comme étant formateur, socialement riche et intellectuellement stimulant. En gros: ça rend plusse mieux, surtout au travail.
Je le dis, je l’ai souvent dit: si je sais aujourd’hui animer une réunion professionnelle sans broncher, c’est que j’ai appris à animer une table de Donjons & Dragons dès l’âge de 10 ans. Si je sais donner des conférences avec une certaine aisance c’est que j’ai fait des discours-fleuves improvisés dans la peau d’un monarque vampirique fou devant d’autres fêlés costumés comme moi lors de soirées de théâtres interactifs (LARPs, oui je suis weird de même 😀 ). Si j’aime « sortir des sentiers battus » pour trouver des solutions à divers problèmes, c’est que j’ai été immergé de tant de façons différentes dans la résolution de problèmes par des centaines de jeux de sociétés, jeux vidéos et autres puzzles tous plus uniques et tordus les uns que les autres, que c’est devenu une seconde nature d’essayer de « trouver la twist ».
Et je ne suis pas le seul, tous les bizarres et les étranges et les « marginaux » de votre compagnie ont une mine de talents précieux à mettre à profit. C’est une perte sèche au nom d’une certaine rectitude pas toujours justifiée.
Peut-être qu’il faudrait se partir une société secrète
Je ne sais pas trop ce qu’il faudrait pour « sortir du placard » à cet égard. Est-ce qu’on a vraiment besoin d’une parade de la fierté Geek? De former une société secrète (poignée de main secrète incluse)? Peut-être qu’on a tout simplement besoin d’attendre que les cravatés « stuck-up » prennent leur retraite, et qu’il soit normal d’avoir grandi en sachant que jouer à des jeux vidéo n’est pas une activité asociale ou signe d’une tare mentale.
Vous pouvez toujours commencer en envoyant cet article au reste de votre famille qui est confuse sur les raisons qui font que d’enfiler votre uniforme de Star Trek (le rouge méga-cool de « Command », là, avec quatre « dots » au collet) vous rende inexplicablement heureux(se).
« So Say We All »
De mon côté, au travail je passe pour une weird quand les gens savent que j’organise des grandeurs nature mais ils trouvent parfaitement normal que de parfaits étrangers paient pour acheter certains des props de machins occults ayant servi aux dites parties et dont je n’ai plus besoin (commence à manquer de place et j’haïs épouseter).
Peut-être que la logique mercantile est plus facilement compréhensible pour eux? Il faut peut-être présenter les jeux de rôle dans une optique différente pour que ça leur semble moins étrange.
Je partage le feeling… c’est bizarre c’est toujours l’angle « logistique » qui marche pour moi… « On a loué une salle, on l’a décoré, on a fait des costumes vraiment funky, on a même pensé à la bouffe et au stationnement, ah pis oui c’est vrai on jouait des gangs de gangsters qui négociaient le butin d’un vol de banque à moitié raté ». 😀