Renegade est un jeu sorti d’un peu nulle part, qui réussit à être original dans ce qu’il propose, en jonglant d’une nouvelle façon avec des anciennes mécaniques. Il a été porté par une campagne Kickstarter semblant avoir rejoint avec un relatif succès son auditoire, qu’on pourrait résolument qualifier de « niche ». Un jeu qui réussit à livrer une belle promesse, et qu’il serait dommage de passer sous silence.
(Hey, hey hey hey… living like we’re Renegades)
Le jeu est à la base un « Deck-builder » coopératif où l’on joue au fil de 3 « tours » (un cycle complet de son « deck ») un Renegade (« Hacker ») tentant de mettre à mal une Intelligence Artificielle (dans l’univers) appellée « Super Massive Computer » (ou SMC) représentée en jeu par …une intelligence artificielle (oooouh… c’est méta ça!). Le jeu se distingue en partant sur deux règles bien simples qui sans être révolutionnaires sont bien utilisées:
- Les cartes « achetées » vont directement dans notre main plutôt que dans notre pile de défausse, et sont utilisables immédiatement. Pas besoin d’attendre de tout rebrasser, ce qui ajoute de l’importance à « upgrader » ses cartes.
- Chaque carte « achetée » doit remplacer une carte de notre paquet. On conserve donc un paquet de 15 carte tout au long de la partie, qu’on passera trois fois. Pas besoin de brasser un paquet qui triple au cours de la partie. Ça veut aussi dire que de « designer » son deck est un geste plus délibéré, puisque son contenu peut nous tenir en tête.
On joue des cartes génèrant des ressources (appellées « Commandes »), permettant d’ajouter des « Contaminants » (jetons alliés colorés). Tout cela au profit d’un « avatar » sur le jeu devant résister aux « Contre-mesures » de l’IA (noires ou métalliques). Chaque IA a ses règles et particularités, et chaque tour de jeu a un objectif distinct (et aléatoire) à remplir, le but étant de survivre jusqu’à la fin du troisième « cycle ». Les conséquences des objectifs sont souvent funestes, et même parfois en cas de succès restent négatives bien que moins sévères. Je ne dirais pas que c’est un jeu « complexe », mais le public cible en est un qui préfère les jeux plus « méningeux » certainement. Certaines actions font usage de dés et introduisent un élément aléatoire qui ne me convainc pas, mais qui n’est pas suffisamment présent pour me déranger.
Un auteur, un jeu, une intention
Renegade est un jeu pour 1 à 4 joueurs, avec la particularité que le design « Solitaire » a été clairement une considération importante dans sa conception. Il faut savoir que son auteur (Richard Wilkins AKA « Ricky Royal’s Box of Delight« , ce qui sonne comme un site porno cheap mais n’en est pas un) est un youtubeur qui jouit d’une certaine notoriété pour sa chaîne qui propose d’excellents vidéos de jeux populaire en solo pour plusieurs jeux populaires (sa série sur Mage Knight est très appréciée tant des connaisseurs que des néophytes).
Le thème « dystopie cyberpunk » va plaire à certain, et en rebuter bien d’autres… beaucoup de thèmes sont plus porteurs (les zombies, le médiéval fantastique et les patates pour ne pas les nommer), et en lisant les commentaire de l’auteur on apprend qu’à l’origine c’était un wargame dans l’angleterre médiévale, ce qu’on n’aurait JAMAIS pu deviner autrement. L’auteur est programmeur, alors ça nous évite certains usages de termes techniques qui font grincer des dents… aussi « romancé » que soit le jeu, un Firewall a une fonction qui ressemble vaguement à … un firewall, soit de t’empêcher d’entrer dans un réseau. Rafraîchissant.
Parfois c’est mieux qu’il y aie Kickstarter avant les boutiques…
Sous une couverture cruellement clichée, une fois la boîte ouverte on découvre des couleurs vives et une iconographie qui a été bien choisie, ce qui réussit à se distinguer de l’esthétique toujours un peu « turquoise et noire » associée au genre. Les illustrations sont jolie, beaucoup plus les cartes que les personnages un peu anodins. Les « tuiles serveurs » sont grosses et amusantes à agencer dans différents « patterns » pour constituer le plateau, mais les jetons sont un peu petits et… bof, c’est du carton. Vu qu’il y en a une quantité limitée (et vu son origine Kickstarter), j’aurais bien pris des trucs acryliques cools, moi. Même le manuel, qui est « numéroté à la Wargame des années ’80 », ne sait pas trop bien exposer ses idées, donne plus de confusion que de clarté et les exemples de jeu ne sont pas représentatifs. Si je regarde les autres jeux de Victory Point Games (dont le logo jure horriblement sur la boîte d’ailleurs), je me dis qu’ils sont peut-être loin de leur zone de confort un peu…
Cette promesse dont je vous parlait au début, c’est de réussir à représenter dans un « paquet » plus compact et moins démesuré le « chaque tour est un puzzle amusant à résoudre » qu’offre Mage Knight (mon jeu préféré). À chaque main, chaque action, on est aguiché par la possibilité de jouer « le coup parfait », qui n’est pas toujours visible ou évident au premier abord, et qu’on « résous » avec beaucoup de plaisirs. Agréable surprise, la préparation et le rangement du jeu sont assez rapides pour un jeu de cette profondeur.
Tant qu’à être dans le « niche », je ressors volontiers des boules à mites mon système de Cote Alex pour donner mon appréciation.
Cote Alex: 1d8 (ce n’est pas « grand public ») +8 pour les joueurs solos, +5 pour les fans de cyberpunk, -5 pour ceux qui sont tannés du deckbuilding.
Toujours le fun de te lire Alex!