Si vous êtes comme moi, si un jeu de société ou un jeu vidéo est sous licence d’un film, d’une série ou d’une franchise, c’est louche en partant. Il y a des « bof » comme Star Trek: Expeditions mais aussi des jeux incroyables comme Battlestar Galactica, X-Wing ou Firefly (édité par Gale Force 9)
Mais vous est-il jamais passé par la tête qu’à l’inverse, une licence pouvait tuer un bon jeu? C’est clairement ce qui s’est passé avec Sons of Anarchy (aussi édité par GF9), définitivement l’un de mes coups de coeurs de 2015 (ex-aequo avec l’excellentissîme Codenames, probablement mon prochain review).
Comment est-ce possible? Je vous explique ça…
Sons of Anarchy, la série comme le jeu, se situe dans l’univers des motards criminels à qui il emprunte toute son imagerie, son style et son iconographie: référez-vous au film Hochelaga (un film culte!), Omertà ou Le Dernier Chapitre avec Michael Ironside et Roy Dupuis.
Chaque joueur incarne un « Motorcycle Club », une bande de motards prête à tout pour prospérer, et chacune a des règles spéciales pour qui lui donne un style de jeu qui lui est propre (« Niners, « Mayans », SAMCRO », etc.)
AmEurotrash
À la base, Sons of Anarchy est un jeu de « Worker Placement« , c’est à dire que vous placez avec un nombre limité d’actions une quantité de vos petits « meeples » sur des case qui vont rapporter des ressources. Ajoutez à cela un petit jeu de vente/achat/enchères de ces ressources, le fait que celui qui a le plus de points (de l’argent) au bout de 6 tours a gagné, et vous avez le « squelette » d’un jeu tout ce qu’il y a de plus pur jeu « Euro ».
Le côté « Améritrash » vient d’une grande dose de compétition, d’une bonne part de hasard dans les conflits et surtout d’un « thème » poussé jusqu’au bout.
Agricola, version « péter des rotules »
Parce voyez-vous, vos « meeples » sont des motards hors-la-loi, vos actions sont de faire du racket ou de produire de la drogue, et il est pratique courante de faire dans le trafic d’armes à feu, armes à feu que vous sortirez sans compter lors des fréquentes « bagarres » pour envoyer vos rivaux à la salle d’urgence, d’où il se pourrait très bien qu’ils sortent les pieds devants. Bombes dans les automobiles, bordels et autres places à tatouages campent le décor. Le jeu est très beau: du solide carton pleine couleur de style « sous-verre » pour les lieux, des superbes paravents pour dissimuler son « stash », et surtout des petits « duffelbag » de contrebande qui sont tellement « cute » que ça me donne envie d’appeler les Hells pour me partir une « run ».
Y a-t-il de l’honneur entre voleurs?
L’un des coups de maître du jeu vient d’une règle toute simple: il est possible d’échanger certaines ressources gardées secrètes (argent, pistolets et contrebande) en tout temps et toutes circonstances, selon n’importe quel « deal ». En d’autres termes: absolument tout se monnaie.
Tu es en plein milieu d’une bagarre et tu as besoin de fusils supplémentaires? Probablement que le rival de ton rival va t’en vendre. Se faire payer par un autre joueur pour s’en aller d’un lieu en lui demandant une partie des profits? Absolument. Contrôler l’hôpital et faire payer les autres pour se soigner? Légal. Gager sur le gagnant d’une rixe? Hilarant.
Bien sûr (et c’est le plus beau), aucun de ces accords n’est « contraignant », i.e. si tu paie ton rival pour décamper d’un marché où tu veux délester de la marchandise, rien ne le force à réellement s’exécuter quand son tour viendra. Ça donne un jeu subtil de rapport de forces, de marchandage qui donne en retour énormément d’ambiance au jeu, en plus d’un langage généralement coloré….
Bon… 2 fusils et 1 contrebande pour sacrer le camp du Police Department, ça t’intéresse? Sinon, décrisse au prochain tour ou j’te fais des trous dans ton jacket en cuir…
Alors pourquoi n’en avez-vous jamais entendu parler?
Il faut dire que c’est quand même un thème très lourd: la violence, l’extorsion, les narcotiques. Je suis même supris que la boîte ne comporte que la mention « 13 ans et plus » et pas « 17 ans et plus », à l’instar de Spartacus, un autre très bon jeu sous licence et toujours de Gale Force 9 d’ailleurs (excellent éditeur pour les licences, de toute évidence).
Parce que le thème est un peu « hard », parce que la série est connue sans être une série-culte, parce que ça ne convient pas à ta belle-mère ou ton fils de 9 ans, c’est un jeu qu’il devient difficile de mettre sur la table en bon père de famille. C’est extrêmement dommage, parce qu’il s’agit ici d’un jeu extrêmement solide, sérieusement l’un de mes favoris, et ceux avec qui j’ai joué ont aussi été enthousiastes.
À mon avis la meilleure chose qu’il pourrait arriver est qu’ils le ressortent sous un thème différent. Comme disait l’un de mes adversaires: « S’ils avaient sorti ça sous le thème europe médiévale, ce serait devenu instantanément un classique ». Je ne peux qu’être d’accord.
Bémol, je n’ai apparemment pas été aussi enthousiaste que tes autres adversaires ;-).
D’abord, il n’y a pas que dans les bagarres qu’il y a du hasard. Avoir une tonne de flingues ou de contrebande ne sert que si une tuile ou carte de location permet de les vendre vers la fin de la partie… ce qui est hautement aléatoire. Surtout avec les grosses limitations sur la vente (et pourtant on avait mal joué le heat, qui aurait dû encore plus limiter les ventes). En y repensant, je pense qu’il faut se gonfler volontairement faire grimper son heat pour redescendre ensuite à 0 (au coût d’un mort)… ce qui est plutôt contre-intuitif et peu logique pour un jeu qui se veut très ‘ambiance’.
C’est intéressant de cacher le stack de chacun (surtout les armes pour un effet de surprise dans les bagarres), mais ça a le désavantage de ne pas rendre évident contre qui se ‘liguer’. Ce ne serait pas un problème en soi, ça peut être un aspect de jeu intéressant. Sauf que si un joueur prend un avantage (typiquement, en nombre de gangers), ça semble super difficile de le freiner. D’un côté, on ne peut pas se consacrer entièrement à le bloquer, car il faut quand même penser à sa propre progression. Ensuite, il a plus d’action (et de monde), donc il a beau jeu de bloquer nos tentatives de progression OU de confrontations. Et en plus, il a de bonnes chances de jouer en dernier, avec quelques actions sans ripostes possibles.
À l’autre bout du spectre, il est extrêmement difficile pour quelqu’un avec du retard de remonter la pente, pour les mêmes raisons.
Peut-être le défaut d’une première partie et d’avoir manqué certaines règles et astuces. C’est sûr qu’une deuxième serait très différente pour moi, et pas juste à cause de la variété des sites et évènements.
Je t’avais perçu plus enthousiaste que ça, mais les perceptions sont parfois altérées en fin soirée de gaming à 2h du mat’ 🙂
Le côté « tu sacrifies un membre pour faire retomber ton Heat (attention de la police) à zéro » est expliqué par le fait qu’un de tes membres se sacrifie comme bouc émissaire 😉
Un autre aspect que je n’ai pas expliqué en entier, c’est la rejouabilité: il y a 4 tuiles « obligatoires », et 6 autres qui varient selon les parties (il y en a 24 au total). Ça fait en sorte que les parties varient beaucoup d’une à l’autre, mais surtout ça fait en sorte qu’il est difficile d’avoir une stratégie « gagnante à tout coup ». Je ne vois pas le même problème que toi de « runaway leader » ou de « ratrappage », à date les parties ont été assez serrées (à 2-3 « dollars » près), souvent décidées dans les derniers tours.
Mais si tu veux valider tes impressions, tu n’auras pas de misère à me convaincre de réessayer (d’autant plus qu’au final, une partie doit s’expédier en 1h30 max, et oui, ça « converge » bien… 😉 )