Il y a un concept que je radote souvent à propos des jeux de société, et que je n’ai jamais vraiment vu détaillé ailleurs, c’est quand je parle de jeux qui « convergent ». Et c’est quoi un jeu qui converge? Est-ce simplement un jeu publié par Québécor? Non. Excellente question, merci de l’avoir posé.
La convergence d’un jeu, c’est le sentiment que la partie s’en va d’un pas résolu vers une conclusion satisfaisante, inéluctable, et claire.
En gros c’est un jeu « qui s’en va quelque part »… c’est un amalgame entre le temps de jeu (surtout de sa variation d’une partie à l’autre), du « rythme » de la partie, et d’une certaine « inévitabilité dans le résultat ». Un jeu « qui ne converge pas » (« diverge » c’est pas vraiment ça) donne une impression de ne s’en aller nulle part, ou d’étirer la sauce pour rien. Bref, il tataouine, il zigonne.
Mais c’est un peu plus compliqué que ça.
Ça implique aussi un certain degré de « précision » sur le temps investi. Je n’ai aucun problème à mettre à l’horaire d’une soirée un jeu de 3h si j’ai confiance qu’il devrait prendre entre 2h30 et 3h30. Mais un jeu de 90 minutes qui soit A) termine en 20 minutes ou B) s’étire sur 150-180 minutes, c’est au mieux irritant, au pire carrément chiant.
Est-ce que c’est lié au fait d’avoir un nombre de tours fixes? Pas nécessairement. Méditerranée (Serenissima sous un autre nom), bien qu’avec un nombre de tours fixes, avait tendance à varier énormément dans sa durée dépendant des actions des joueurs, et la fin de partie pouvait s’embourber alors que tout le monde essayer d’arriver en même temps à faire ses dernières actions (Peut-être que la seconde édition a réparé ça, j’y ai pas joué). Zombies!!! est un jeu long, pénible, et qui s’en va dans tous les sens, malgré qu’il aie une fin bien définie (retourner la tuile « Hélicoptère » du paquet).
Des jeux qui convergent bien
- Les Colons de Catane → Un moment donné, tout le monde est à 8-9 points, il reste 1 tour, 2 max, tu le sais, tu le sens.
- Dominion → Comme beaucoup de deckbuilding, les « piles vidées » c’est inévitable.
- Antike II → Magnifique jeu de conquête qui remplit « pile » ses ~120 minutes.
- Sons of Anarchy → Une de mes acquisitions récentes, une guerre de motards de 90 minutes bien cadrées. Tes couleurs c’est c’que t’as d’plus précieux.
- Scrabble → Ainsi que Qwirkle, sa variante pour analphabètes.
- Mage Knight → C’est pas parce que c’est loooooooong que ça peut pas converger.
-
Shadows over Camelot → Malgré le/la sale traître.
Des jeux qui convergent moins bien
- Risk et Monopoly → Sont des exemples légendaires. Horreur.
- Firefly → C’est pour dire que je peux aimer quand même des jeux qui ne convergent pas!
- Arkham et Eldritch Horror → EH converge légèrement mieux que AH.
- Smash Up → Suivez le lien… j’y parlais déjà de convergence, et mon avis s’est déterioré depuis…
- Munchkin → Tout le contraire de Catane, tu te rends jamais vraiment bien au niveau 10.
- Zombies!!! → On a réglé ça: maintenant on roule un d6 pour déterminer le gagant plutôt que de jouer, ça sauve du temps.
- Zombicide → Y’a comme un thème avec les jeux de zombies?
- Robo Rally → Ça définit carrément « tourner en rond ».
Et il y en a pour lesquels je ne suis pas sûr de pouvoir dire s’ils convergent bien ou non:
- Pandémie → Des fois le rythme des tours est vraiment inégal.
- King of Tokyo → le bordel prend quelques fois quand ça se met à guérir.
- XCOM → Je pense que c’est une question de tempo en dent de scie.
- Marvel Legendary → Certains scénarios et combinaisons font du « sur-place ».
Alors voilà, un concept de plus pour parler de jeux de société quand vous ferez de la prise de tête entre enthousiaste sur la terrasse du Colonel Moutarde.
Je ne comprends pas trop l’exemple avec Zombicide…
Ou alors tu considères que si c’est les joueurs qui ‘taouinent’ (comme dans une partie chez toi), c’est la faute du jeu ?
Dans la plupart des parties, si on choisit un scénario et une complexité adaptés aux joueurs présents, j’ai plutôt un sentiment de convergence… Le scénario avance, l’objectif se rapproche… mais malgré tout le danger reste réel car l’opposition augmente au fur et à mesure…
Où alors tu considères qu’un jeu où les joueurs peuvent perdre (sans attendre un décompte de point a la fin) est quasiment par définition ‘divergent’ ? Ça semble effectivement récurrent dans ton classement.
Curieux de voir aussi comment tu classerais Res Publica… mais tu n’as peut-être pas assez de parties ‘normales’ à ton actif pour juger.
En deux points:
1) Zombicide, il y a la durée, mais aussi le « pacing »: entre la fouille, le moment où il y n’y a pas assez de zombies, le moment où il y a trop de zombies, et les objectifs divers et variés des différents scénarii, des fois tu sais pas trop où tu t’en vas, ni comment y aller. Y’a une masse de 43 zombies l’autre côté de la porte, ça va te prendre 10 tours avant l’inévitable ré-activation de runners qui va arrêter la partie un peu en queue de poissons. 😛
Mais en ~10 parties de Zombicides (pas juste avec vous 🙂 ), je suis tombé quasiment tout le temps sur des scénarii qui n’aboutissaient pas ou mal, étaient mal cadrés ou buggés, etc. Je me dis un moment donné il faut arrêter de blâmer les scénarii, et généraliser au jeu 🙂
2) La clé pour le côté « les joueurs peuvent perdre », c’est le côté « satisfaisant »: que tu perdes au bout de 30 minutes ou 2 heures, est-ce que ça vient de nulle part ou est-ce que tu vois clairement ce qui a mené là? J’ai été un peu dur je crois avec Marvel et Pandémie (et pour Marvel c’est plus le « pacing », parce que sinon ça converge remarquablement.)
[Jamais joué à Res Publica 🙂 ]
Mouais… évidemment c’est très subjectif. je n’ai pas de souvenirs récents de ces problèmes, qui minaient il est vrai certaines de mes plus vieilles parties.
Et pour RoboRally ? Un jeu de course, que ce soit en ligne droite sur une route ou en cercle avec des tapis roulants et engrenages divers, ça me semble très convergent. Dur d’avoir un objectif plus clair qu’une ligne d’arrivée. Le rythme est on ne peut plus stable (tout fonctionne de la même façon du début à la fin). On voit plutôt bien qui en est où (étapes, options, ‘santé’) et la durée de jeu est plutôt stable d’une partie à l’autre (en fonction du nombre de plateau et d’étapes, bien sûr).
À l’inverse, je ne vois pas Dominion comme si convergent. Peut-être par manque d’expérience, mais j’ai l’impression qu’on ne sait jamais trop où on se situe. Certes on se définit une stratégie au départ selon les cartes disponibles, mais ensuite j’ai l’impression qu’on est tout le temps en train d’improviser selon ce que la pioche nous donne et ce que font les autres. Comme on ne sait jamais ce qu’on va réellement faire dans 2-3 tours, j’ai un peu du mal à trouver que ça mêne quelque part de clair, avant la fin (dont le mode de déclenchement mériterait un autre débat) ;-).
Pas sûr de ce qui est converge avec Camelot non plus. Ça peut tellement traîner en longueur et étirer la sauce si les joueurs (y compris le traître) font le minimum syndical (héhé) et ne font que gérer le plus pressant. Je ne dis pas que ça ne va pas finir, le système des épées va finir par causer la fin (comme dans la plupart des jeux mentionnés), mais ça s’étire quand même, parfois.
En fait, ça fait quelques temps que j’ai envie de voir d’autres personnes joueur à nos jeux habituels. J’ai une vague impression que mes compagnons habituels et moi avons tendance à jouer de certaines manières, qui ne sont pas forcément identiques à d’autres joueurs (le rythme en particulier, le niveau de risque avec lequel on est confortable, etc…). De quoi alimenter un de tes prochains articles :-).
Tu as raison c’est peut-être relié à la façon dont certains joueurs jouent, mais j’ai souvent entendu les mêmes commentaires venant d’autres joueurs sur les mêmes jeux (Cherche Zombies!!! sur le web…). Et RoboRally, en théorie c’est simple et ça converge, en pratique il y a de grands creux où rien ne marche et où tu n’a pas l’impression d’avancer du tout, voire de reculer.
Dominion (et Antike II, et même X-Wing, qui ne devrait pas converger mais qui le fait très bien!) il vient un moment où tu le « sens »: il reste 1 ou 2 tours max, c’est clair et irrémédiable.
En fait récemment j’ai une petite dent récemment contre les jeux « purement coopératifs » (Pandémie, Zombicide, Eldritch Horror). Outre le problème bien connu de « l’alpha player », j’ai comme un malaise quand il n’y a aucune restriction pour venir « pimenter ça » (Hanabi pour la communication, les traîtres en général, le temps compté pour XCOM/Space Alert, etc.).
ÇA c’est mon prochain billet 🙂
Très intéressant comme sujet. Actuellement je joue principalement à des jeux « pas convergents », Myth arrivant au sommet de la liste. C’est un jeu entièrement coopératif et très « freestyle », bien qu’il existe aussi de nombreux scenarii pré-établis.
Pendant mon stage de cet automne, je vaisprendre la passe rive-sud + Montréal, j’en profiterai pour aller voir le Colonel Moutarde. J’en profite pour vous partager l’existence de la Foire du Jeu de Longueuil, qui en est à sa 3e édition. Je n’ai pas encore décidé quelles journées j’irai, mais c’est sur que j’irai au moins un jour de la fin de semaine.
http://www.foirejeulongueuil.com/
Intéressant pour la foire du jeu, et je pense qu’on a tous hâte de se mettre de la moutarde sur le menton au colonel du même nom…
Mais pour les jeux « qui ne convergent pas »… je pense que ça devient un trip de gamer, un moment donné… les moins passionnés d’entre nous vont juste abandonner ou perdre l’intérêt quand le jeu va « se faire désirer » un peu. Une bonne dose d’intérêt va combler ça.
Depuis cet article, on m’a fait remarquer quelques fois que le concept est un peu flou… en fait c’est pas vrai, on me dit soit « c’est un peu flou ton affaire » ou « je sais exactement de quoi tu parles!! ».
Je sais pas trop comment mieux expliquer que c’est pas juste de la mécanique de jeu… que c’est un mélange de la durée de jeu, de son tempo/rythme de jeu, et du but à atteindre. Je pourrai sûrement clarifier ça un moment donné…
J’ai retrouvé un principe similaire (le « pacing », mais qu’il élargit à la « finalité » d’un jeu aussi) à l’article suivant:
http://www.gamesprecipice.com/pacing/