Vous aurez entendu parler de Bitcoin, que ce soit parce que le Congrès américain regarde ça de près, qu’il y a eu une flambée de son prix en peu de temps ou parce que ça peut servir à se faire livrer du crack sur le pas de sa porte (ne le dites surtout à aucun maire torontois!). C’est une « Cryptomonnaie » (Cryptocurrency), une monnaie « virtuelle », et dépendemment d’à qui vous demandez, c’est l’Antéchrist ou Jésus-Christ-une-bière-à-la-main. Mais qu’en est-il vraiment? Ou encore: De Kessé calvince?
Vu que c’est un enfant-Frankenstein entre technologie et cryptographie, je vais tenter de vous exposer ça de mon mieux.
C’est quoi un bitcoin?
Imaginez que vous laissez traîner un bloc-notes de « Sudoku du jour » sur la table de la cafétéria de votre job, et qu’il est décidé que celui ou celle qui résous un Sudoku a droit à un bon p’tit cappuccino avec de la cannelle dessus, comme ça gratos sur le bras.
Vous passez un bon bout de temps (pendant vos pauses, hein!) à résoudre des Sudoku. Quand vous les avez complétés en entier, vous les signez et les épinglez sur le babillard de la cafétéria à votre bureau, comme ça tout le monde peut valider que ces Sudoku-là précisément (uniques, donc) sont « résolus », que c’est vous qui les avez résolus et donc qu’il vous appartiennent. [Comiquement, rien ne vous empêche d’engager des gens à Bengalore pour vous résoudre du Sudoku à faible prix, mais j’y reviendrai 🙂 ]
Ce Sudoku, à toutes fins pratiques, est une monnaie: Il est unique, les gens peuvent attester qu’il est à vous à cause de la signature. Plus que ça, il est tout à fait possible de transférer le Sudoku résolu à un collègue en marquant « Alex donne ce Sudoku à Simon – (signé Alex) ». Plus que ça, si un moment donné Alex doit rembourser à Simon autre chose, il est tout à fait possible de le payer « en Sudoku », par exemple « Je te donne 5 Sudoku pour le lunch à midi ». Vous aurez au passage remarqué que le capuccino a été évacué de l’équation.
Voilà, vous avez grosso modo le principe des bitcoins: ce sont des « solutions unique à un problème », qu’on a travaillé pour obtenir, non-reproductible, appartenant à des gens et pouvant être transférés. Vous avez une monnaie, finalement.
Euh… et ça vaut QUOI, exactemement?
À la base, un bitcoin ne vaut rien. En fait, pas tout à fait vrai… il vaut au minimum le prix de l’équipement qui l’a calculé/produit, plus l’électricité que ça a pris, et tiens tant qu’à faire le temps/expertise que ça prenait pour configurer tout ça. C’est pas tellement différent de la monnaie gouvernementale: quand vous avez un 5$ (tsé les nouveaux en en plastique-polymère, qui semblent-ils cassent à -30), vous ne possédez pas vraiment un morceau de chaise de la Chambre des Communes: c’est une valeur arbitraire (fiat). Et si le gouvernement se mettait à imprimer de l’argent en fou, il ne vaudrait plus rien; la rareté contrôlée est hyper-importante. La rareté, la « facilité d’utilisation », que cette monnaie soit acceptée à beaucoup d’endroit, et dans une certaine mesures d’autres « features » de la monnaie comme l’anonymat et la non-dépendance sur les banques font aussi partie de la valeur d’une monnaie numérique.
Le bitcoin (abrégé BTC), comme toute les autres monnaies est sujet à l’offre et la demande; Alors aujourd’hui l’offre est de 699$ pour 1 BTC, et demain elle sera du double ou de la moitié (qui sait?).
Le bitcoin, animal particulier
Vous avez probablement entendu que c’était une monnaie de criminels, de terroristes ou de parti politique. C’est probablement vrai, surtout dû à ces deux caractéristiques:
- Le bitcoin est décentralisé. Oui. Moi qui vous ai déjà dit que les geeks menaient le monde, vous en avez maintenant une preuve tangible: aucune banque, gouvernement ou institution n’est nécessaire à l’échange/production de bitcoins. Ça vous prend un geek pour vous expliquer comment. C’est du « proprio direct », où les transactions sont validées par « la communauté » (je reviens plus tard sur le « comment »). Et ça marche. Pas surprenant que les gouvernements cherchent à trouver comment taxer tout ça (parce qu’il faudra pas s’gêner quand même…)
- Le bitcoin est anonyme. Un demi morceau de robot pour celui-là. Techniquement c’est absolument vrai que n’importe qui peut se créer un « porte-monnaie », qui peut « contenir » des bitcoins, sans la moindre identification. Personne ne saura donc que l’adresse bitcoin XYZ est en fait « Alex », mais si on suit les transactions de cette addresse, on va bien finir par se rendre compte que les paiements de cette addresse ont acheté un certificat SSL pour chezalex.net, ou ont commandé des My Little Poney de collection sur eBay (My Little Poney, comment vous résister?).
Le « bitcoin mining »: là où naissent les bitcoins
« Découvrir » un bitcoin s’appelle le « miner » (comme dans « mine d’amiante »). À peu de choses près ça consiste à faire tourner un programme sur un ordiateur avec un peu de « punch » (généralement une bonne carte graphique) pour « solutionner » des bitcoins. Une fois qu’il est « découvert », il est assigné à une adresse dans un porte-monnaie, qui n’est ni plus ni moins qu’un fichier chiffré dont le propriétaire connaît le mot de passe. C’est lui qui « contient » les preuves de l’appartenance du bitcoin.
Vous pouvez essayer (l’exercice n’est pas inintéressant, googlez), mais avec les hausses récentes de prix, l’environnement est rendu tellement compétitif qu’il n’est pas très payant de se lancer dans le minage de bitcoins. Pourquoi c’est plus dur quand il y a plus de monde? Ah, je vous garde ce trait de génie pour la 2e partie…
À la, à la, à la queue leu-leu…
Un élément important du bitcoin est un énorme registre de TOUTES les transactions de bitcoin depuis le tout début, qu’il est nécessaire d’avoir en entiersi on veut transiger des bitcoin. On appelle ça la « block chain ». Oui, TOUTES les transactions qui ont jamais été faites avec des Bitcoins doivent être téléchargées (~12GB en date de décembre 2013), c’est l’une des seule façons de vérifier à qui appartient un bitcoin donné (à quel « porte-monnaie » en fait), et conséquemment si il peut vous le donner!
Qu’est-ce qu’on fait avec un bitcoin.
Ben… ce qu’on fait d’habitude avec une monnaie: on paye des choses. Faire un paiement en bitcoin est très simple: il suffit d’abord 1) d’en posséder suffisamment, et de 2) publier (« mettre sur le babillard ») qu’on le donne à un autre « porte-monnaie » (une addresse ressemblant à 1dice7W2BicHosf5EL3GFDUVga7TgtPFn). Ça prend moins de 20 minutes et le transfert se fait. Fait à noter, le bitcoin est divisible jusqu’en unités de 0,00000001, alors vendre/acheter 0,000311BTC est tout à fait normal, surtout pour s’acheter un café avec un bitcoin qui vaut 900$.
On peut aussi (et parfois surtout si on veut seulement spéculer) le « liquider » contre argent sonnant et trébuchant, mais les façons de faire sont rarement très claires ou très faciles, et impliquent des stratagèmes sympathique comme les MoneyGram ou des rencontres dans un McDonald’s. Disons que Revenu Canada veille au grain.
Mais… y’a pas de problèmes alors?
Quoi? On vient d’inventer une nouvelle devise ésotérique sur des plateformes technologiques pas toujours stables, et qui a eu un « boum » de valeur incroyable en peu de temps? Mais que diantre pourrait bien mal tourner? 😉
Évidemment, une tonne de choses, mais je vais être « snoreau » et garder mon bout préféré pour le prochain article: tout ce qui peut mal tourner avec le bitoin et les crypto-monnaies. Et il y en a. Je prend questions et commentaires d’ici là!
Update: 2e partie!
cool article… bonnes analogies 😉
Merci, j’ai sérieusement cherché pas mal pour quelque chose qui se comprend bien par monsieur-madame tout le monde (ma mère est fan de Sudoku ;))
Ca fait au dessus de 2 semaines que j’essaye, dans ma tête, de faire une synthèse des bitcoins pour l’expliquer a des non techsavy, et voilà qu’Alex nous sert ca.
Well played.
Merci 😀 J’ai moi-même frappé un mur avec ma chère mère, et je n’ai pas vraiment trouvé d’articles B-A-BA en français à envoyer (juste des vidéos bizarres pas particulièrement neutres.)
Si tout va bien, demain c’est « suite et fin », avec quelques bouts un peu plus « croustillants » 😉